Politiques ou linguistiques?

On entre dans une salle de réunion, lundi matin, et on s’assoit. Autour de la table — 99 femmes et, dans le coin, un seul homme, disons, pourquoi pas, le chef de l’entreprise. Je vous raconte l’histoire de ces gens — ils se sont réunis pour qu’ils puissent discuter de ceci et cela. Ils se sont disputés, ils ont trouvé une solution, et ils ont lancé leur projet. Le chef a dit ce qu’il voulait dire et il est parti, laissant les autres dans la salle. Finalement, elles ont été libérées des entraves de sa présence dans le groupe. Finalement, elles ont reçu la permission de l’Académie française d’être reconnues comme elles sont.

Ceci est la langue française. Bien sûr, c’est le cas pour la plupart des langues latines. Les noms ont un genre et les adjectifs doivent être accordés en fonction de ce genre. Le masculin l’emporte sur le féminin — une règle que les étudiants de langue française sauraient dès le début. Ainsi, il n’est pas surprenant qu’il y ait une révolte contre cette normalisation de la domination masculine dans les règles de grammaire. De plus en plus, on voit l’utilisation de l’écriture inclusive.

L’écriture inclusive repose sur plusieurs piliers, parmi lesquels la différenciation entre postes ou métiers, comme dans acteur — actrice, auteur — autrice; l’utilisation plus consciente des mots « homme » et « femme, » comme dans « droits humains », au lieu de « droits de l’homme », et, plus particulièrement et plus récemment, l’utilisation du point médian pour échapper à la priorisation du masculin sur le féminin, comme dans « les etudiant.e.s », « les cityoen.nne.s », etc.

Avec cette utilisation du point médian, on voit une controverse balayant le pays. Soudainement, le premier ministre interdit l’usage de l’écriture inclusive dans des textes officiels. L’Académie française décide d’appeler l’apparence de l’écriture inclusive « un péril mortel ». Chaque fois qu’on voit une publication sur les réseaux sociaux, y compris la page de Sciences Po Toulouse, utilisant l’écriture inclusive, les commentaires traitent le sujet affiché autant qu’ils traitent l’utilisation de l’écriture.

La forte réaction à ce sujet n’est pas donc une surprise. La société française, comme toutes les sociétés, a sa part généreuse de problèmes liés au genre, à la représentation et à l’égalité. L’attitude des gens à cet égard est divisée du rejet à l’apathie à la condamnation. Cette diversité d’attitudes se reflète chaque fois que je tente d’engager une conversation autour du sujet de l’écriture inclusive. Beaucoup reconnaîtraient le problème de la langue française, mais auraient peu à dire sur les moyens proposés par l’écriture inclusive pour améliorer ces problèmes. Quand je regarde des langues que je connais — comme l’anglais, comme le français, ou comme l’espagnol —, je vois des discussions très similaires. Chacune de ces langues se transforme et ses locuteurs essaient de régler ses problèmes inégalitaires internes (voir: le singulier them ou Latinx, chicxs).

La langue influence très certainement la façon dont nous pensons et envisageons le monde. Consciemment et inconsciemment, une domination selon le genre réifie des aspects plus tangibles de l’inégalité des sexes et des stéréotypes sexistes dans le monde réel. Le statut prééminent du masculin dans la langue française n’est pas compatible avec les normes d’égalité des sexes établies par la société française. Ainsi, si les faits ci-dessus sont acceptés, la seule chose à discuter ce sont les moyens de rectifier ces problèmes.

C’est ici que le sujet devient plus difficile. C’est aussi ici où on trouve le rôle de la culture française et, plus précisément, l’Académie française. Un tel régleur de langue n’existe pas dans beaucoup de pays. Les institutions qui ont proclamé le them singulier comme un moyen d’expression inapproprié en anglais ne rivalisent nullement en éminence, histoire et réputation l’Académie française. Cela ne signifie pas que la discussion sur le sujet n’est pas similaire à l’étranger, mais que la légitimité de la règle linguistique énoncée par l’Académie en France est unique.

« À l’immortalité ! » Ceci est la devise de l’Académie française. Quoi de plus pour montrer la rigidité de la langue française au fil du temps ? Il est trop tôt pour quelqu’un comme moi avec une expérience aussi courte de la langue française pour exprimer mon opinion sur ce mode particulier de traitement du patriarcat dans les règles linguistiques. Je me tiens fermement à côté de ceux qui plaident pour des conversations plus fructueuses sur ce sujet et qui sont assez audacieux pour suggérer une voie à suivre. En tant que locuteur non natif, je ne peux que regarder l’histoire de la langue française ou passer le mot sur l’Académie française — une institution qui compte exactement 9 femmes depuis sa fondation en 1635.

NOTE avant la correction : 14

 



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