Et encore de grèves

 

Je me sens obligé d’écrire davantage sur les grèves en France. Symboliquement, on est aujourd’hui un jour de grève et je sais que le sujet n’a pas été abordé dans mon dernier article de blog (et ne sera pas abordé dans celle-là. Au cours de la semaine passée, j’ai pu parler à plus de personnes à ce sujet et accumuler plusieurs points de vue. Je ne connais toujours pas tout ce qu’il y a à savoir sur la culture de grève en France et sur toutes ses connotations, mais j’ai certainement été éclairé)

De toute évidence, les différentes populations font les manifestations différemment. Les étudiants ont tendance à s’identifier avec des groupes qui «se lèvent» assez facilement. À l’heure actuelle, il est assez évident que la majorité des étudiants dans les universités dont nous faisons partie sont de gauche, comme c’est le cas aux États-Unis également. Je me suis récemment entretenu lors d’un déjeuner avec une amie à moi qui fait ses études supérieures en histoire de l’art à Jean Jaurès et je l’ai écouté me décrire ce qui s’est passé dans son université au cours de la dernière année. Elle m’a raconté comment les étudiants ont commencé par organiser des séances d’écoute et des assemblées pour que tout le monde se réunisse et discute les objectifs, l’orientation et des plans des manifestations ou les blocages. Elle m’a également raconté comment ces assemblées se sont dissipées avec le temps en réunions désordonnées sans beaucoup de substance. Il n’était pas longtemps avant que les étudiants ont occupé l’université, ont bloqué ses entrées et ont commencé à détruire ses biens matériels. Les dégâts représentaient des sommes énormes allouées aux établissements d’enseignement.

En parlant à une personne qui est un membre actif de leur communauté d’un âge un peu supérieur à cinquante, on m’a parlé d’un cas dans lequel les étudiants ont emmené des familles de migrants avec des enfants dans l’université pour empêcher que la police prenne des mesures contre les étudiants. Lorsqu’il est devenu impossible de réunir plus de personnes derrière la logique de la grève, les étudiants devaient chercher autre chose. «Libérer Catalonia!» est devenu leur cri de ralliement et la grève a continué.

En parlant à mon hôte à ce sujet, je pouvais le sentir reconnaissant de la difficulté de concilier l’acte démocratique – peut-être une obligation -, et en même temps l’importance d’éviter de se trouver partie d’un mouvement sans conviction. Les gens reconnaissent les nombreuses façons dont les grèves peuvent être utilisées pour masquer des désirs moins nobles. En effet, un professeur qui m’a parlé des grèves m’a dit qu’il y avait des jours moins coûteux pour faire la grève et des jours plus coûteux pour y faire. Pour ceux qui touchent une somme d’argent égale par jour, une journée passée à faire grève pendant laquelle la personne ne doit travailler que quelques heures peuvent ne pas valoir autant qu’un jour où elle est censée travailler de nombreuses heures. Ce sont des calculs qui ont un poids différent pour chaque personne.

Les gens reconnaissent que la grève peut souvent faire partie de l’identité de la population ici, même si plusieurs personnes ont souligné que, comme je l’ai mentionné la semaine dernière, l’analyse des données montre que l’Allemagne est meilleure que la France sur le sujet de grève, au moins en matière d’efficacité. Différentes personnes parlent de grèves en différentes manières. J’ai remarqué que les gens pouvaient utiliser des commentaires auto-dégradants pour se moquer de la façon dont certains pourraient considérer les grévistes comme des fainéants et des opportunistes. Pour ceux qui travaillent, les grèves sont très différentes de celles des étudiants. Il y a sans doute plus des enjeux et, selon ceux qui travaillent eux-mêmes, ils sont plus souvent fondés sur un réel engagement vis-à-vis de l’enjeu.

Les grèves en France pourraient ne pas être aussi efficace que dans d’autres endroits. Mais ils constituent un acte politique, social et culturel. Et il est évident qu’ils font partie du tissu de la société française. La grève tombe, a certains égards, dans la définition d’un acte culturel – parce qu’elle est simultanément une activité ayant un objectif politique spécifique en tête et une occasion historiquement disponible de se mêler à des personnes partageant les mêmes idées et de permettre à l’uniformité des idées d’unir et de faire avancer les gens vers leurs objectifs et convictions.

 

Note final : 16



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