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Le Cameroun: Yaoundé

La lumière sur la réalité multilingue du Cameroun

Au Cameroun, la langue est plus qu’un moyen de communication – c’est un marqueur d’identité, une clé pour les opportunités et un reflet de l’histoire coloniale complexe du pays. Officiellement bilingue en anglais et en français, le Cameroun accueille plus de 300 tribus indigènes parlant des langues locales différentes, ce qui révèle un décalage saisissant entre la politique linguistique de l’État et la réalité linguistique vécue par ses citoyens. Cette tension souligne la difficulté pour le pays de trouver un équilibre entre l’héritage mondial de la colonisation et la diversité linguistique locale. Pour les étudiants qui se préparent à étudier au Cameroun, il est essentiel de comprendre la politique de la langue pour saisir comment le pouvoir, l’identité et les opportunités sont négociées à travers le pays. 

Voici une carte des groupes ethniques de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun.

Cette situation complexe se manifeste dans la vie quotidienne. Comme l’explique Avigdor Farine, la politique de bilinguisme du Cameroun, qui doit apporter l’unité, fonctionne souvent de manière inégale. Le français est dominant, surtout dans les villes et les institutions gouvernementales, tandis que l’anglais est surtout parlé dans certaines régions de l’ouest. Parallèlement, les nombreuses langues indigènes parlées dans le pays sont rarement utilisées dans les écoles ou les lieux officiels. Cela crée une disparité entre ce que dit la loi et ce que les gens vivent réellement, ce qui force de nombreux Camerounais à passer d’une langue à l’autre en fonction de l’endroit où ils se trouvent et de la personnes à qui ils parlent.

Panneau d’entrée d’une école bilingue dans la région du sud-ouest du Cameroun.

Plus tard, des chercheurs comme George Echu et Humphrey Kum ont développé la conversation au sujet du bilinguisme officiel au Cameroun. Echu souligne que le bilinguisme en pratique renforce souvent l’inégalité plutôt que l’unité, car le français continue de dominer les institutions clés tandis que les anglophones sont confrontés à une marginalisation systémique. Kum explique que ce problème de bilinguisme n’est pas seulement politique, mais aussi profondément culturel : de nombreux citoyens considèrent le bilinguisme d’État comme une forme d’exclusion qui dévalue les identités locales et les langues parlées.

Les deux chercheurs soulignent que si la politique linguistique n’inclut pas et ne respecte pas les langues et les perspectives culturelles indigènes, elle continuera à créer des obstacles plutôt que des opportunités. Leurs travaux soulignent la nécessité d’adopter des approches plus inclusives et plus sensibles en matière de plan linguistique au Cameroun, une idée importante à retenir pour les étudiants qui cherchent à comprendre comment la langue est liée à l’identité, à l’accès et au pouvoir.

Festival des arts et de la culture du Cameroun.

Cependant, la situation linguistique au Cameroun n’est pas seulement une question d’injustice ou de difficulté, elle montre aussi à quel point les gens peuvent être créatifs et flexibles. Au lieu de considérer les nombreuses langues du pays comme un problème, Alobwede pense qu’elles peuvent en fait contribuer à la prospérité du pays. Les Camerounais mélangent souvent les langues, passent de l’une à l’autre et inventent de nouvelles façons de parler qui reflètent leur identité et leur mode de vie. Les gens ne se limitent pas aux lois sur les langues officielles, ils créent aussi des langues à leur manière. Cette idée contredit le point de vue habituel que les langues au Cameroun causent la division.

Pour les étudiants qui vont étudier dans ce pays, il est important de voir les deux côtés : les difficultés que les gens rencontrent à cause des politiques linguistiques, mais aussi les façons intelligentes et créatives que les gens utilisent tous les jours pour se connecter et s’exprimer.

Ouvrages Cités

Alobwede, C. E. (2021). Linguistic hybridity and developmental perspectives in Cameroon. International Journal of Research- GRANTHAALAYAH, 9(4), 501. https://www.granthaalayahpublication.org/journals/granthaalayah/article/view/3852 

Echu, G. (1999). Genèse et évolution du bilinguisme officiel au Cameroun. In Official Bilingualism and Linguistic Communication in Cameroon/Bilinguisme officiel et communication linguistique au Cameroun (pp. 3–13). Peter Lang Publishing Inc.

Echu, G. (1999). Le Bilinguisme officiel au Cameroun: Critique et perspectives. In Official Bilingualism and Linguistic Communication in Cameroon/Bilinguisme officiel et communication linguistique au Cameroun (pp. 189–201). 

Farine, A. (1968). Le Bilinguisme au Cameroun. Canadian Journal of African Studies, 2(1), 7-12. https://doi.org/10.2307/483994 

Kum, H. (2018). Language-Culture: Marginalization or Opportunity in Cameroon’s Official “State Bilingualism.” In D. Evans (Ed.), Language, Identity and Symbolic Culture, 105–134. Bloomsbury Academic. 

Liste de quelques langues indigènes du Cameroun: https://www.ethnologue.com/country/CM/