Ernest Renan dans son ouvrage Qu’est-ce qu’une nation ? s’interrogeait sur les éléments tant objectifs que subjectifs qui font que les individus se reconnaissent entre eux comme faisait partie de la même nation. Il s’agit une fois de plus de l’une des problématiques rencontrée par les étudiants Dickinson.

En effet, Alec est confronté chaque matin à un dilemme qui peut sembler extrêmement simple pour un français, mais qui s’apparente à un choc culturel pour le jeune américain : la bise. Du reste, faut-il attendre que l’autochtone fasse le premier pas, ou au contraire se lancer dans cette coutume sans hésitation ? D’une part, il convient de préciser pour reprendre les mots d’Ernest Renan que la bise constitue un élément subjectif de la nation. Dès lors, elle est la manifestation d’une volonté d’adaptation qui ne peut qu’être appréciée. D’autre part, ne jamais oublier que la bise obéit à des règles différentes selon les régions de France. En effet, certains en font trois ou quatre au lieu de simplement deux en Midi-Pyrénées. D’autres commencent par la joue droite au lieu de la joue gauche. Autant de règles qui, en toute transparence, paraissent déroutantes pour les français. Ainsi, faire le premier pas semble être un bon moyen de manifester une volonté d’intégration, et quelques recherches sur les traditions locales permettront de venir à bout de ce problème épineux.

Seulement, cette tradition bien française pourrait rebuter un certain nombre d’américains en raison de son aspect non hygiénique, pouvant conduire les individus chez le médecin aussi rapidement qu’un éclair. D’ailleurs James a pu faire l’expérience d’un docteur français, non pas en raison d’une bise contagieuse, mais d’une cheville foulée. Plusieurs éléments ont perturbé l’étudiant : le faible coût, l’absence de prise de rendez-vous et le temps d’attente. Choses marquantes puisqu’il est de notoriété commune qu’une consultation médicale atteint des coûts exorbitants aux États-Unis. En réalité, il convient de préciser que la France est une Démocratie Providentielle à l’image de ce que disait Schnapper. C’est-à-dire que les domaines dans lesquels l’État français intervient sont variés et correspondent aux expectatives des citoyens. Ainsi, James a sollicité son hôtesse pour obtenir des réponses quant à ce système. Elle lui a lors répondu que les guerres successives ont fait que les français ont attendu plus de l’État en matière de santé. C’est alors la raison du faible coût de la consultation qui du reste est en partie remboursée, et donc d’un temps d’attente qui peut être long.

Il n’empêche que le fonctionnement du système de santé est, comme celui de l’université, relativement déroutant pour un américain. MacKenzie a d’ailleurs pu en être témoin. Elle remarque à juste titre que les emplois du temps ne mentionnent pas, en tout cas en début de semestre, ni les salles de cours ni les attentes des professeurs. Quelles peuvent alors en être les raisons ? L’étudiante met en avant le caractère implicite de la culture française et la grande indépendance des étudiants toulousains. Ces justifications peuvent paraitre exactes. Seulement, l’accent doit une fois de plus être mis sur le service public. L’enseignement supérieur est l’une des compétences de l’État, puisque les politiques ont suivi cette préconisation de Condorcet qui dans la Démocratie de l’enseignement précisait qu’un « peuple d’ignorants devient nécessairement dupe des fourbes ». Dès lors, l’université prodigue un enseignement certes spécialisé dans des domaines divers et variés, mais constitue également une école de la vie. N’est-ce pas le rôle de l’éducation que de préparer les étudiants à l’entrée dans l’âge adulte ? Dès lors, un système qui met un individu face à des difficultés quotidiennes n’est-il pas in fine celui qui permet de créer le citoyen indépendant et autonome ? Cette vision a en tout cas pour elle le mérite de la cohérence.

Du reste, le caractère implicite de la culture se retrouverait également dans des moments relativement simples, tels qu’une banale sortie au cinéma. Marisa a pu en faire l’expérience, notamment en ce qui concerne les habitudes de consommation des français pendant qu’ils regardent une projection. En effet, il est commun aux États-Unis de consommer des pop-corn, des sodas ou mêmes des nachos pendant tout le film. Bien que cette habitude soit également présente en France, l’étudiante constate que les individus finissent régulièrement leurs mets avant que la projection ne commence. Marisa pointe d’ailleurs un point intéressant, elle estime qu’il s’agit d’une question de politesse et a fini par consommer des bonbons, plus discrets selon elle. Là pourrait se trouver l’implicite de la culture française et surtout l’un des éléments subjectifs pointés par Ernest Renan permettant d’identifier une nation.

 

 

 

 

 

Toujours est-il que la question de la culture française implicite ne pourrait se concevoir aujourd’hui sans dimension internationale et plus particulièrement européenne. L’Europe est aujourd’hui tiraillée entre partisans et sceptiques. Pourtant, le terme renvoie à une princesse antique, Europe, épouse de Zeus et mère du roi Minos. Héritage glorieux, présent empreint de complexité. L’étudiante Laura remarque qu’après le « Brexit », la France pourrait bien avoir son « Frexit ». En effet, quelques partis politiques, reprenant les opinions de plusieurs français, sollicitent la sortie de l’Union Européenne. Du reste, c’est ce que les étudiants ont pu constater lorsqu’ils sont allés voir le film Chez Nous de Lucas Belvaux. Outre les interrogations économiques et financières, la question qui se pose en filigrane est celle d’une France purement hexagonale ou à l’inverse qui s’inscrit dans un continent et partage un héritage commun avec ses voisins ?

Les français décideront quelles réponses à apporter, mais il convient de rappeler que la culture, intangible et omnisciente, ne saurait s’arrêter aux frontières. La France demeurera pour toujours européenne, et la nation française sera en permanence gouvernée par les éléments subjectifs qui font que n’importe qui, étudiants Dickinson ou pas, peut se sentir français s’il en a envie. Ernest Renan était bel et bien dans le vrai.

 

Ernest Renan, in his essay, “Qu’est-ce qu’une nation?” (What is a nation), examines both the objective and subjective elements that allow individuals to recognize themselves as parts of the same nation. This also happens to be one of the most prevalent issues encountered by Dickinson students.

In fact, each morning, Alec is confronted with a dilemma which can seem extremely simple for a French person, but is a culture shock for the young American: “la bise” (the kisses used as a greeting). Does one have to wait for the native to take the first step, or, on the contrary, plunge into this tradition without hesitation? First, we should clarify to rehash Ernest Renan’s words that “la bise” constitutes a subjective element of the country. Subsequently, it expresses a desire to adapt, which the French appreciate. Moreover, one must never forget that “la bise” follows different rules in the various regions of France. Indeed, certain regions do three or four kisses rather than just two, as they do in the Midi-Pyrénées region. Some start with the right cheek and others with the left. But even these cultural norms, to be honest, can puzzle the French themselves. In the end, taking the first step seems to be a good way to display a desire for integration, and a few observations of local traditions allow one to get to the bottom of this sticky situation.

Such a French tradition could be repelling to a certain number of Americans, due to its non-hygienic aspects, which could drive individuals to the doctor’s office in the blink of an eye. Incidentally, James was able to visit a French doctor, not because of a contagious “bise,” but a sprained ankle. Several things bothered him: the low cost, the lack of an appointment, and the long wait. These are noteworthy observations since it’s common knowledge that a doctor’s visit in the US implies exorbitant prices. Actually, we should clarify that France is a Démocratie Providentielle (Providential Democracy) in the words of Schnapper. That is to say that the spheres in which the French state intervene vary and correspond to the expectations of its citizens. Accordingly, James asked his hostess for an explanation regarding the French system. So she told him that successive wars caused the French to expect more from the state concerning healthcare. That then accounts for the low consultation cost (which is partially reimbursed), and contributes to the long wait.

Such state funded intervention functions in the health system, as well as the university, which can be relatively puzzling for an American. MacKenzie witnessed this. She remarked accurately that the schedules mention few things at the beginning of the semester: neither the classrooms nor the professors’ expectations. What might explain this? MacKenzie highlights the implicit nature of the French culture and the renowned independence of students in Toulouse. These justifications could seem reasonable, only the emphasis is placed more so on public service. Higher education is one of the responsibilities of the state, since politicians have followed this recommendation of Condorcet which he lays out in La Démocratie de l’enseignement (The Democracy of Teaching): “un peuple d’ignorants devient nécessairement dupe des fourbes” (ignorant people will necessarily be tricked by the deceitful). Consequently, the French university system offers a specialized program in diverse and varied subjects, but which equally constitute the school of life. Isn’t it the role of education to prepare students for adult life? Likewise, doesn’t a system which challenges individuals regularly in fine (in the end) allow for the creation of independent and autonomous citizens? In any case, this is how she rationalizes the system.

Furthermore, the implicit nature of culture can also be found in relatively simple moments, like an everyday outing to the movie theater. Marisa has experienced this firsthand, observing the eating habits of French people while they watch a movie. In fact, it is common in the United States to consume popcorn, soda, and even nachos during the film. Even though this habit can be found in France, Marisa notes that people usually finish their snacks before the film starts. She also points out that it’s a matter of politeness and she then finishes by eating her candy more discreetly. This reflects the implicit in French culture and, as such, is an example of a subjective element proposed by Ernest Renan identifying feature of a nation.

There is also the question of whether French culture can be defined today without considering it through an international and European lens. Currently, the European Union is divided between supporters and skeptics. The term “Europe” itself refers to an ancient princess who was the wife of Zeus and mother of King Minos. Europe has a proud heritage but complicated present. Laura noticed that after Brexit, France could have its own “Frexit.” Some political parties, representing a number of French people, advocate leaving the European Union. The students were exposed to these views when they went to see Lucas Belvaux’s film Chez Nous (This Is Our Land). Beyond economic and financial concerns, it poses the question: should France isolate itself or share in Europe’s common heritage?

The French will eventually make their choice, but they should remember that culture—intangible and all-encompassing—doesn’t stop at borders. France will always be European, and the French will always have their own customs but anyone, Dickinson student or not, can identify as French if they so desire in emphasizing individual adaptability to culture. Ernest Renan had the right idea.