« Say cheese ! » : le sourire en France et aux Etats-Unis

Pour affirmer les stéréotypes : les Français ne sourient jamais, les Américains sourient toujours. J’exagère, mais c’est vrai en partie. Le sourire américain est une attitude américaine qui me manque.  Mais est-ce que ce sourire est sincère ? Je n’en suis pas sûre.

Prenez tout d’abord le sourire de Barack Obama. C’est impressionnant quelle positivité il émane. Comparez son sourire à mon sourire maintenant. Même chose. Est-ce que ce sourire veut dire qu’on est aussi optimistes et heureux que ça ? Pas exactement. Pour moi, le sourire est devenu une habitude, et peut-être une mauvaise habitude.

 

Depuis que mes dents ont poussé, les adultes me disent « Say cheese ! » quand ils me prennent en photo. Bien que très positive, cette exclamation ressemble à un ordre. Le sourire est impératif…sinon on risque de fabriquer de mauvais souvenirs à travers la photo. Même si, en fait, la journée n’a pas été agréable et les sujets de la photo ne sont pas contents, la photo doit témoigner du « bon moment », fictif ou pas, que l’on a passé ensemble. Le sourire est donc le masque derrière lequel les Américains cachent leur vrai être.

Quand j’étais plus jeune, j’ai eu une période de rébellion contre cette nécessité : je refusais de me faire prendre en photo avec ce grand sourire faux ou je m’en moquais en faisant une grimace désagréable. Mais en dehors de ce bref moment de désobéissance adolescente, je me suis toujours conformée à la règle. Maintenant c’est moi qui ordonne à mes sujets de sourire.

La situation devient frustrante quand je demande aux Français de montrer leurs dents à l’appareil photo. Dans un groupe pluriculturel, les différences entre le sourire de chaque personne sont mises en évidence. Certes, plusieurs Français sourient, mais relativement, les chiffres sont maigres.

Moi, j’ai perfectionné mon sourire. Je l’exécute sans la moindre hésitation. Je l’exécute chaque fois que je rencontre le regard de quelqu’un, que je me sens mal à l’aise, que j’interagis avec quelqu’un. L’exécution du sourire – puisque c’est vraiment une réaction mécanique – est devenue ma seconde nature. Je l’utilise pour exprimer mon bonheur, mon amusement, mais aussi pour cacher des sentiments inconvenants, comme la honte ou l’embarras. Le sourire est une protection.

 

 

Et ces Français alors ? Ils veulent aussi se protéger, mais leur méthode est différente. En les prenant en photo, on ne peut pas les forcer à sourire. En croisant leur regard dans la rue, ils ne te sourient pas pour dissoudre le moment d’embarras qui existe quand deux personnes se croisent. Ils sont toujours sérieux. Ils pensent peut-être que le sourire les révèle au monde, enlevant leur protection, leur masque.

 

Dans le théâtre de la vie, les Français se protègent avec un visage impénétrable et les Américains avec un visage souriant. Même raison, manifestation différente.

–Anna Ciriani Dean

Conférence « Challenge the best »

Du 25 au 28 mars, 42 étudiants de 19 nationalités différentes qui font leurs études dans 20 universités différentes en Europe ont participé à la conférence « Challenge the best » à St Gallen Université en Suisse. J’ai eu la chance de faire partie de ces 42 étudiants.  C’est un programme annuel organisé par l’Union des étudiants de St Gallen Université depuis 2010. Ce programme offre une opportunité de rencontrer les personnalités le plus respectées de notre temps et de discuter de sujets importants dans le monde. Le but de cette conférence est de s’attaquer aux problèmes de notre temps, en gardant à l’esprit que notre génération saura porter la responsabilité de les résoudre. Un forum de dialogue a été établi entre ceux qui ont façonné le monde et ceux qui sont désireux de la faire.

L’année dernière, le thème de la conférence était le changement climatique et l’ordre social. Cette année, le sujet était concentré sur la diversité humaine en Europe. Suite à l’importance de l’immigration et de la migration interne au cours des dernières décennies, la diversité humaine a atteint un niveau significatif. Les membres des sociétés européennes constituent une mosaïque pittoresque d’origines, de langues et de cultures différentes. Donc, c’est formidable de savoir comment on peut découvrir les potentiels cachés dans nos sociétés, parce qu’ils peuvent engendrer des avantages considérables pour les sociétés européennes aujourd’hui et à l’avenir. Les invités d’honneurs de cette année étaient :

Dr Lale Akgun, un expert en politique d’intégration en Allemagne ;

Lewis M. Feldstein, l’ancien président de la fondation de Charité du New Hampshire auquel Barack Obama a participé.

Dr Eberhard von Koerber, le coprésident du Club de Rome

Prof. Sir James Mirrlees, lauréat du prix Nobel en Economie

Prof. Dr Heinrich Rohrer, lauréat du prix Nobel en Physique

Prof. Dr Daniel Thurer, le président de la Société allemande de Droit International

La conférence était organisée par les étudiants de St Gallen Université. Ils offrent le transport, le logement, et tous les repas à tous les participants. Les participants doivent assister à un séminaire préparatoire de trois jours pendant lesquels ils assistent aux communications dirigées par des professeurs. Ces communications ont toutes des perspectives économiques, politiques et sociales. Ensuite, les participants ont été répartis dans six ateliers différents : le conflit, l’identité, l’innovation, l’engagement, la capacité d’organisation et la responsabilité et leadership.  Dans ces ateliers, nous avons eu une discussion critique entre les déclarations des personnalités invitées et les thèses que les étudiants avaient développées pendant le séminaire. Pendant le dernier jour de la conférence, il y avait un débat d’experts public qui était ouvert à tous les étudiants de St Gallen Université. Prof. Sir James Mirrlees a donné un discours intitulé «  Qui est mon voisin ? Évaluant la diversité humaine ».

St Gallen Université va continuer ce programme l’année prochaine, donc si vous êtes intéressé, vous pouvez postuler en ligne sur le site web de l’université de St Gallen au début de l’année. C’est une expérience inoubliable qui m’a donné la chance de penser pas seulement à mon identité, mais aussi à l’idée d’une identité collective. Rencontrer des étudiants intelligents et communiquer avec des experts célèbres est un grand trésor, parce qu’on peut y découvrir des perspectives diverses et profondes.

–Qichan Qian

Victoire, ma sœur d’accueil : Une étude de la vie de la jeunesse en France

Victoire est ma sœur d’accueil. Elle a dix-neuf ans et est en première année à l’Institut Catholique où elle étudie le droit. Habiter avec Victoire m’a donné une excellente occasion de comprendre et d’observer les relations entre les enfants et les parents français, surtout comment ces relations changent quand les enfants deviennent de jeunes adultes comme Victoire. À ce moment de sa vie, Victoire essaye de séparer son identité de celle de sa famille pour avoir le sentiment qu’elle est adulte et indépendante. De plus, Victoire veut créer ce sentiment d’indépendance parce qu’elle a déjà vécu de façon indépendante grâce à son séjour de dix mois en Australie l’année dernière. Je pense que cette lutte pour avoir de l’indépendance est très fréquente pour les jeunes adultes français parce qu’en France, on reste le fils ou la fille de ses parents jusqu’à l’âge du mariage. Dans le cas de Victoire, cependant, je pense que cette lutte est particulièrement difficile parce qu’elle habite chez ses parents. De plus, je crois qu’il est compliqué pour elle d’avoir l’idée qu’elle est indépendante parce que certains de ses amis de l’Institut Catholique n’habitent plus avec leurs parents, mais ont leur propre appartement à Toulouse. À mon avis, il semble que Victoire est dans une phase de sa vie où elle essaye de voler de ses propres ailes pour ne plus être considérée comme la fille de ses parents, Olivier et Isabelle. Après avoir passé beaucoup de temps avec elle, je peux voir ce désir dans ses interactions avec ses parents.

En général, Victoire est très gentille et très prévenante envers ses parents, surtout envers son père – quand elle parle avec lui, son ton est doux et affectueux comme une mère qui parle avec son enfant. Je pense qu’elle a des liens très intimes avec lui. Cependant, Olivier est un père très exigeant – même s’il ne lui a pas explicitement confié ses aspirations pour elle, il attend beaucoup de Victoire parce qu’il établît des règles strictes dans la famille. Isabelle, la mère de Victoire, a aussi des aspirations précises pour elle. Par exemple, Isabelle veut que Victoire apprenne l’espagnol pour qu’elle puisse étudier l’année prochaine à l’étranger avec le programme d’ERASMUS. Elle veut aussi que Victoire maintienne son niveau d’anglais. Alors, à peu près chaque jour Isabelle ennuie Victoire pour qu’elle trouve un travail comme jeune fille au pair cet été en Espagne pour améliorer son espagnol. Elle conseille aussi à Victoire de parler anglais avec moi en lui répétant, « Il serait bon pour toi de parler l’anglais pendant seulement une heure chaque semaine avec Elizabeth, parce que je sais que tu ne veux pas oublier ce que tu as appris quand tu étais en Australie. » Toute cette pression rend Victoire très exaspérée par ses parents – un moment, elle est vraiment gentille et très intéressée par les interactions de la famille, mais tout d’un coup elle devient hostile et bagarreuse. Victoire est très expressive quand elle se fâche – son ton s’élève, ses sourcils montent et descendent frénétiquement et ses mains bougent avec de grands gestes. Au début, il semble que Victoire s’emporte rapidement et se fâche facilement, mais je pense qu’elle est fantasque parce qu’elle veut maintenir son individualité. Pour prouver aux autres, mais aussi à elle-même, qu’elle a sa propre voix et qu’elle peut faire ses propres choix, Victoire se bat avec ses parents quand elle trouve que leurs conseils restreignent sa liberté. De plus, je trouve que Victoire se fâche facilement parce qu’elle est constamment confrontée à la critique – une critique de ses notes, de ses amis, et de ses choix. Cette observation coïncide parfaitement avec l’idée que dès l’enfance, le jeune français est confronté encore et encore à la critique de ses parents, de ses professeurs et de la société française en général. De temps en temps, je pense que Victoire apprécie l’aide de ses parents parce que leurs conseils lui montrent qu’ils l’adorent et qu’ils veulent le meilleur pour elle. Cependant, d’autres fois elle reçoit ces conseils comme une critique qui suggère qu’elle n’est pas capable de prendre soin d’elle-même. Donc, pour protéger son respect de soi des critiques de ses parents et des autres personnes, Victoire construit une armure sociale en montrant un air défensif.

–Elizabeth Morrow

Comment les Américains économisent du temps et les Français économisent des ressources

Ce que j’ai trouvé pendant mon séjour en France, c’est qu’en même temps que les Américains essayent de gagner du temps, les Français font un effort pour économiser les ressources.  En fait, cette tendance américaine explique en partie pourquoi les Américains semblent notoires pour le fast-food.  Aux États-Unis, la vie se déroule à un rythme soutenu pour maximiser la productivité.  À l’appui de la notion de « dollarisation » que Baudry décrit dans son livre, il semble que les Américains assignent une valeur monétaire au temps pour leur « donne[r] immédiatement un sens » (50).  Cette idée devient particulièrement évidente dans l’expression très américaine, time is money, où on assimile le temps et l’argent à cause du fait qu’il existe une valeur associée à notre temps (notamment un salaire). En croyant que time is money, les Américains pensent qu’ils peuvent épargner de l’argent s’ils réduisent le temps nécessaire pour compléter les tâches quotidiennes. Aux États-Unis, cette mentalité a entraîné l’industrie alimentaire et l’invention de produits comme les gâteaux en boîte (ce que la mère d’accueil de Jenna a appelé « un gâteau à l’américaine ») destinés aux femmes actives qui ne peuvent pas consacrer plusieurs heures à cuisiner, mais qui veulent toujours fournir le confort d’un repas fait maison.  Similairement, les Américains prennent souvent un déjeuner à emporter pour qu’ils puissent travailler en même temps. Par conséquent, la portabilité devient un argument attirant de vente, ce qui a entraîné l’invention du Gogurt et des barres à céréales.

Cependant, pour les Français, il ne suffit pas d’économiser sur la nourriture. La consubstantiation (où ce qui est décrit en anthropologie comme l’acte de manger ensemble) semble plutôt être une partie fondamentale de la culture française.

Il y a une semaine, un de mes cours au Mirail a été annulé, et donc, j’ai passé le matin chez moi pour la première fois.  Quand je me suis réveillée, personne n’était là, et j’avais l’impression que ce serait un matin très tranquille. Cependant, pendant que je travaillais dans ma chambre, j’ai commencé à entendre du bruit vers 11h30.  « Jo ! » a crié Madame du Pradel de la cuisine.  En confondant les jours de la semaine, je me suis souvenue que ma petite sœur d’accueil, Joséphine, n’avait pas de cours le mercredi matin, et ainsi, il ne semblait pas trop exceptionnel qu’elle soit à la maison.  Quelques moments plus tard, elle a ajouté : « Foucauld ! »  À cause du fait qu’il avait été malade quelques jours plus tôt, j’ai imaginé qu’il avait décidé de rester chez lui pour se reposer.  Finalement, elle a appelé : « Timothé !  Mayeul ! » et à ce moment-là, j’ai cessé de chercher des explications.  Je ne comprends pas pourquoi il m’avait fallu trois semaines pour me rendre compte que tout le monde rentrait chez soi pour le déjeuner. Plus tard ce jour-là, j’ai raconté mon observation à Joséphine, qui a continué à me dire qu’elle rentrait chez elle chaque jour à 11h30 et qu’elle retournait normalement à l’école à 13h20.  Je m’étais toujours demandé pourquoi ses journées d’école étaient si longues, mais maintenant tout est devenu plus clair. Quand j’ai discuté de ce sujet avec un autre ami français, il m’a dit qu’il rentrait aussi toujours chez lui, sauf le mercredi quand ses parents n’étaient pas là.  Pourtant, je ne pouvais pas imaginer comment une ville entière fermait pendant deux heures chaque après-midi pour prendre le déjeuner à la maison avec leur famille. Je m’étais habituée aux dîners français qui sont relativement lents, et en fait, je les préfère beaucoup aux repas américains où tout le monde semble typiquement pressé et distrait.   À Dickinson, je trouve impossible de mettre mes soucis en attente pendant un repas, et donc, je suis souvent trop préoccupée pour être complètement à l’aise. En France, je n’ai aucun sens du temps pendant le dîner, et donc, je peux apprécier l’atmosphère tranquille.

Évidemment, le déjeuner et le dîner sont des affaires de famille plutôt longues pour les Français, qui n’ont pas envie de lésiner sur la nourriture ou le temps avec leur famille. Selon mon ami, Dorian : « l’identité toulousaine inclut aussi l’idée de profiter un peu plus de la vie. Je veux dire par là que les gens sont peut-être un peu moins pressés, on aime prendre son temps. »  Ainsi, il semble que les Toulousains seraient peut-être encore moins inclinés à sacrifier le loisir pour réduire la longueur des tâches quotidiennes.  Enfin, j’admire cette attitude plus que je peux l’exprimer.  Je perds trop de temps à m’attarder sur le passé et attendre l’avenir, et donc, je supporte mal la tendance américaine à gagner du temps.

En même temps que les Américains préfèrent gagner du temps et que les Français préfèrent profiter de la vie et de ne pas se dépêcher, l’inverse est vrai quand s’il s’agit des ressources. En général, je crois que les Américains gaspillent plus d’eau, d’énergie et de nourriture que les Français.  À Dickinson, une institution qui prétend soutenir la viabilité, je connais beaucoup d’étudiants qui prennent régulièrement des douches qui durent entre quinze et (dans quelques cas extrêmes) cinquante minutes, parce qu’ils aiment se reposer et se détendre sous l’eau chaude dans la douche.  Similairement j’ai vu encore et encore des gens qui goûtent plusieurs plats principaux avant d’en trouver un qu’ils veulent manger.  Enfin, ils jettent tout ce qui reste dans la poubelle pour démontrer la maîtrise de soi. De plus, il est relativement normal que les Américains n’éteignent pas toutes de lumières avant de quitter leur maison pour donner l’impression que quelqu’un est chez soi et ainsi d’effrayer les voleurs.  D’un autre côté, les Français semblent extrêmement conscients de leur consommation.  Pour donner quelques exemples, ils se douchent très efficacement (et à ma connaissance, ils résistent au désir chanter), ils éteignent toujours les lumières quand ils quittent une pièce, ils finissent toute la nourriture dans leur assiette pendant les repas, ils sèchent leurs vêtements à l’air, leurs toilettes exigent peu d’eau et ils vont souvent en ville à pied ou à vélo.  De plus, ma famille d’accueil utilise (et réutilise) les serviettes en tissu au lieu des serviettes jetables.  De cette manière, les Français s’éloignent considérablement des Américains quand il s’agit de l’environnement.

Quoique cette imprudence américaine me semble un peu mystérieuse (et en fait, après avoir passé un peu de temps, je trouve être une source de honte), j’ai appris que cette attitude consciencieuse ait les racines historiques.  Évidemment, les Français sont devenus plus économes après la Deuxième Guerre Mondiale, quand les ressources étaient sévèrement limitées. Puisqu’il reste beaucoup de gens en France qui ont grandi pendant la guerre, cette attitude soucieuse persiste aujourd’hui.

–Hillary Molloy

L’intellectualisme

Le semestre que j’ai passé au Brésil a été merveilleux, mais un certain intellectualisme m’a manqué. Je lisais bien des livres et je suivais les actualités, mais les Brésiliens avec qui j’habitais ne voulaient pas s’engager dans des conversations intellectuelles. Un jour, au début de mon séjour au Brésil, j’ai essayé de parler des élections avec ma mère d’accueil. Faux pas. Elle a débité plusieurs choses fausses sur la corruption du Parti des Travailleurs, elle a critiqué la politique sociale qui aidait les pauvres, et puis elle a fait remarquer qu’on ne devait pas parler des choses comme la religion et la politique. Cela a été la dernière fois que j’ai tenté de parler de politique avec ma famille d’accueil ou avec les Brésiliens avec qui je n’étais pas très intime.

Intellectuellement, je suis arrivé à Toulouse avec un « petit creux », avide de satisfaire mon appétit dans une culture célèbre pour son intellectualisme. Dans Français & Américains, l’autre rive, Baudry affirme « les Français ont été conditionnés à valoriser uniquement la connaissance intellectuelle, à croire qu’ils savent déjà, et à dévaloriser les aptitudes et savoir-faire pratiques » (Baudry, 101). Étant quelqu’un d’intellectuel sans beaucoup d’aptitudes pratiques, j’étais enthousiaste à l’idée de vivre avec des gens similaires. Je n’ai pas été déçu ; l’intellectualisme se manifeste dans de nombreuses parties de la vie quotidienne.

D’abord, en France, les conversations à table sont animées. Mon père d’accueil, Bernard, veut parler des actualités tous les jours. On parle et on se dispute. Quand Bernard affirme que les États-Unis déclareront une guerre contre la Chine dans les 20 prochaines années, je n’hésite pas à le contredire. Heureusement, personne ne se sent offensé. J’observe aussi ce phénomène à l’Institut d’Études Politiques, où je me sens plus à l’aise en parlant de politique avec d’autres étudiants qu’à Dickinson.

J’ai l’habitude de tenter de parler de politique avec tout le monde, mais la plupart des Américains ne veulent pas converser de la politique avec des étrangers. Aux Etats-Unis, la différence idéologique entre les Républicains et les Démocrates est plus grande que celle de l’UMP et du PS. Le fossé des valeurs est si grand aux Etats-Unis que beaucoup de jeunes familles Américaines considèrent les préférences politiques des habitants d’une ville pour décider s’ils emménageront dans cette ville. Donc, on peut imaginer pourquoi la plupart des étrangers à Dickinson ne veulent pas parler de politique avec moi ; ils ont peur que je les juge si nous entrons en désaccord. A Ll’IEP l’attitude des étudiants est différente. Le lundi, le mardi, et le jeudi, je déjeune avec des étudiants de première et de deuxième année. Au restaurant universitaire, je leur demande leur opinion à propos de la politique française. Peut-être ma curiosité est-elle mal vue en France, mais elle n’énerve pas les jeunes que je rencontre à l’IEP. Quand on déjeune, tout le monde s’interrompt et essaye de m’expliquer son opinion concernant la politique française. Quand j’ai relaté cette expérience à Madame Lebreton, elle s’est exclamée : « Bien sûr ! Quelqu’un qui n’a pas d’avis n’est pas intéressant ». J’adore cette attitude.

En regardant la télévision publique française, je vois une dynamique encore plus intéressante. France 2 a une émission qui s’appelle « Semaine Critique », dans laquelle trois auteurs viennent sur le plateau. Cependant, ce n’est pas un entretien avec Opera. Les auteurs sont face à quatre commentateurs et intellectuels qui attaquent ou qui exaltent leurs livres, s’interrompent et tapent du poing sur la table. Néanmoins, ce qui m’intéresse n’est pas seulement le style de la conversation, mais aussi le contenu, « Semaine Critique » révèle des aspects de la mentalité française par rapport à la mentalité américaine. Le contenu de la conversation a exemplifié un phénomène que Pascal Baudry explique dans Français & Américains, l’autre rive :

La culture américaine est binaire. Une proposition y est soit vraie, soit fausse. L’Américain est très mal à l’aise avec les nuances de gris – alors que le Français baigne avec aisance, et se délecte, même, dans un océan d’ambiguïtés qu’il contribue à entretenir. (Baudry 36)

La première fois que j’ai regardé « Semaine Critique », l’auteur célèbre Alexandre Jardin parlait de son nouveau livre, Des gens très bien. Le livre raconte l’histoire de son grand-père, Jean Jardin, qui a été directeur de cabinet de Pierre Laval dans le gouvernement de Vichy pendant la Seconde Guerre Mondiale. Si c’était une émission américaine, la question serait simple : « Le bien ou le mal? » Dans cette émission française, ils ont examiné la complexité de l’homme et de son métier. En fait, l’auteur a critiqué son grand-père plus que les commentateurs, qui ont affirmé que Jardin était fou en tentant de condamner son grand-père sans considérer le contexte historique de sa vie. Toutefois, le débat entre ces commentateurs ne s’est pas concentré sur la question du bien ou du mal.

Toutes les cultures sont pleines de caractéristiques qui sont le résultat de leur histoire. Pourtant, il est difficile d’en trouver les origines et de suivre l’évolution des différences entre les peuples. Concernant l’importance de l’intellectualisme en France, on pourrait envisager plusieurs causes probables. Le siècle des Lumières se trouve au centre de l’histoire de la France. Depuis cette époque, pendant laquelle Voltaire, Montesquieu, et leurs contemporains poursuivaient le développement de la raison introduit par Descartes, les Français ont célébré l’intelligence et l’esprit plus que d’autres peuples. J’ai d’abord appris que l’intellectualisme et l’esprit étaient des moyens d’impressionner les autres dans la haute société française lorsque j’ai regardé Ridicule dans un cours de français à Dickinson. Ce film français de fiction historique, sorti en 1996 et réalisé par Patrice Leconte, présente la cour de Louis XVI à Versailles, une cour où le roi prête l’oreille aux hommes qui démontrent le mieux leur esprit. Ridicule m’a montré que l’intelligence a été célébrée en France à partir de la monarchie. Mais pourquoi les Français paraissent-ils plus à l’aise avec l’incertitude morale ? Pourquoi les Américains posent-ils toutes les questions en termes de noir et blanc? Comment un auteur français peut-il se trouver critiqué à cause de sa propre critique de son grand-père, homme politique de Vichy ? Bien sûr, un intellectualisme profond contribue à l’acceptation de la complexité et d’une morale grise. Pourtant, Il existe d’autres causes. Dans la partie suivante, je m’intéresserai à la conception française de l’histoire et je verrai comment elle se rapporte au pessimisme français et à cette acceptation de la moralité grise.

–Josh Handelsman

Le pessimisme et l’honnêteté

Malheureusement, je n’ai pas pu assister au séminaire sur la chronique La sinistrose, une maladie française, parue dans « Le Figaro » le 5 janvier 2011. Néanmoins, j’ai beaucoup réfléchi au pessimisme français depuis mon arrivée à Toulouse. Il existe plusieurs explications plausibles. P. Baudry décrit une théorie :

Le parti pris systématiquement négatif et critique résulte d’une croyance de rareté, souvent présente d’ailleurs dans les pays anciens qui ont vécu les razzias, les disettes et les famines, et où un esprit paysan défensif s’est forgé au fil des siècles. Comme le dit la comptine : « Il y a du pain chez la voisine, mais ce n’est pas pour nous. » (Baudry, 104)

Je suis d’accord que les époques de souffrance dans l’histoire de la France ont formé ce pessimisme. Cependant, je voudrais examiner plus profondément la conception de cette histoire et comment elle influence le pessimisme et l’acceptation susmentionnée des ambigüités morales.

La semaine dernière, pendant que j’étudiais à la bibliothèque d’Arsenal, je suis tombé sur un livre publié en 2004 et écrit par Therry Wolton qui s’appelle « Brève psychanalyse de la France ».  Me méfiant toujours de ces types d’analyse culturelle, je l’ai pris et j’ai lu l’introduction et les premiers chapitres. D’après l’auteur, la France souffre d’un pessimisme ou d’une dépression nationale parce que les Français s’efforcent à vivre sous le spectre de plusieurs facteurs historiques. D’abord, il affirme que le déclin de l’influence de la culture française et de l’État français a affecté le peuple. Par ailleurs, l’occupation et le gouvernement de Vichy pendant la Seconde Guerre Mondiale les tourmente toujours, malgré les efforts de Charles de Gaulle et des autres de faire croire que toute la France a résisté. Je suis sceptique face à toutes les tentatives d’analyse psychologique des peuples, mais j’ai trouvé que ce livre révélait un phénomène important concernant comment les Français et les Américains comprennent l’histoire.

Un jeune Américain est bombardé par l’histoire dès qu’il commence ses études. Il apprend l’histoire de sa ville, de son état, et des grands États-Unis. Pendant les premières années, tout ce que ce jeune Américain apprend semble positif ; Christophe Colomb, les pèlerins américains, et les révolutionnaires sont présentés comme des héros indisputables. Ce n’est que lorsqu’on entre au lycée que l’on découvre un peu la complexité et l’ambigüité morale de tous ces personnages. Cependant, la culture politique américaine continue à renforcer la positivité de nos cours à l’école primaire. Les hommes politiques parlent d’ « American Exceptionalism » et ils n’osent pas disputer l’idée—voire même le fait—que les États-Unis est le meilleur pays de l’histoire du monde. Ils ignorent les péchés, et la plupart des Américains possèdent une capacité impressionnante à réviser l’histoire comme ils le veulent. Bien qu’il y ait bien des raisons d’être déprimé aux États-Unis, le déclin national et un pessimisme concernant notre position ne les ont pas encore atteints.

Cette révision de l’histoire nationale paraît impossible en France. Bien que les écoles présentent une image héroïque du pays, les péchés et les échecs de la France sont trop récents pour qu’on les ignore. Comme l’auteur l’explique, l’Occupation de la France affecte encore les Français. La plupart d’entre eux ont des parents qui ont vécu pendant cette occupation sans résister. Même s’ils n’ont pas collaboré avec Vichy ou les Nazis, un regret de n’avoir pas lutté demeure.  Il est difficile de soutenir une vision héroïque de son pays si vous ou vos parents ont vécu dans une époque aussi honteuse.

Je ne veux pas donner l’impression que j’en veux à la France d’avoir été occupée par les Allemands. La différence entre les États-Unis et la France à cette époque était la géographie, pas le courage. Cependant, nos conceptions de l’histoire ont un impact sur notre conception du monde actuel. La conception française est pleine de contradictions, d’héroïsme et de honte. Bien que cela contribue au pessimisme du peuple, il existe au moins un élément d’honnêteté enviable qui n’existe pas aux Etats-Unis. En outre, l’histoire de la France influence la manière selon laquelle le peuple conçoit les questions morales. Tandis que les États-Unis ont toujours été isolés par la distance géographique des guerres et des occupations, la France a témoigné d’une capacité vis-à-vis du bien et du mal pour chaque homme au cours de la première moitié du XXe siècle. Cette intimité avec l’ambiguïté explique peut-être la morale grise susmentionnée que les Français acceptent plus facilement que les Américains. Ainsi, on peut imaginer pourquoi les commentateurs de « La Semaine Critique » ont pu traiter d’un sujet aussi polémique que celui de Jean Jardin, un homme qui a collaboré avec les Allemands, sans oublier la complexité de cet homme.

–Josh Handelsman

Parles-tu l’argot ?

Taré : être fou – « Elle m’appelle mille fois par jour…elle est complètement tarée, cette fille ! »

Fric, flouze, thune : de l’argent – « Je n’ai pas assez de fric pour pouvoir aller au ciné ce soir. »

Bagnole : une voiture – « Ma bagnole est en panne, il faut que je prenne le métro. »

Nana : une femme – « Mon frère sort avec une nana super mignonne. »