Équipe éditoriale : Alexander, Demetria, Elizabeth et Sara
Le premier repas d’Elizabeth en France
Ma découverte des habitudes alimentaires françaises a commencé dès ma première soirée à Toulouse. Je ne suis arrivée chez mes hôtes que vers 21h30, donc je ne m’attendais pas à être accueillie avec autre chose de plus qu’une collation. J’étais loin d’imaginer que mes hôtes m’avait préparé un repas composé de plusieurs plats et qui a duré une heure et demie. Avant de venir en France, je savais que les Français avaient des habitudes alimentaires différentes de celles des Américains car j’avais suivi un cours sur la culture culinaire française à Dickinson. Je n’étais cependant pas préparée à la structure et au style de repas avec lequel j’ai été accueillie. Nous nous sommes mis à table dans une petite cour qui sépare la maison principale de ce que mes hôtes appellent la chartreuse, qui est la petite maison où se trouve ma chambre. C’était une belle soirée, donc même si j’étais fatiguée de ma longue journée et demie de voyage, m’asseoir à l’extérieur dans cette belle cour était apaisant. Je me suis présentée à mon hôtesse et nous avons commencé à discuter pendant que son mari apportait le premier plat. Nous avons tous les trois partagé des tomates à l’huile d’olive et au vinaigre balsamique, dont je me souviens encore de la saveur à ce jour. Les tomates étaient fraîches, et quand j’ai posé une question à leur sujet, mon hôte m’a dit qu’elle les avait achetées au marché le matin même. Je me suis alors souvenue avoir appris en classe que les Français achètent souvent leurs aliments le jour où ils prévoient les cuisiner pour s’assurer de leur fraîcheur et leur qualité. Ensuite, mon hôtesse a apporté une tarte au fromage et au jambon qu’elle venait de sortir du four. J’ai observé comment mes hôtes mangeaient pour pouvoir imiter leurs actions et leur montrer que je pouvais aussi participer à cette façon rituelle de manger. Ils mangeaient très lentement, savourant chaque bouchée comme si chacune était plus incroyable que la précédente. Après la tarte, je pensais que nous avions fini de manger et que je pourrais enfin aller me coucher, mais mes hôtes avaient prévu autre chose. Mon hôtesse a encore une fois disparu dans la maison et est revenue avec une grande assiette composée de différents fromages et un panier de pain frais. Elle m’a expliqué quels étaient les différents fromages et m’a invité à en goûter autant que je le souhaitais. Après avoir fini notre fromage, j’ai découvert que c’était l’heure du dessert, ce que je n’ai pas l’habitude de manger après le dîner car mes parents détestent les sucreries. Heureusement pour moi, leur version du dessert était un yaourt nature avec un peu de sucre que l’on pouvait ajouter par-dessus. J’ai trouvé que c’était la façon parfaite de terminer le repas : c’était assez sucré pour combler mon envie de sucre de fin de repas mais en même temps assez léger pour ne pas me sentir complètement ballonnée après ces quatre plats. Et enfin, une fois les yaourts terminés et la vaisselle faite, mes hôtes m’ont proposé une tisane, un mélange de feuilles de thé que mon hôtesse cultive dans son jardin et fait sécher pour que nous puissions en profiter en fin de repas. Ce mélange spécifique est destiné à aider la digestion, ce qui était nécessaire après la quantité de nourriture que nous avions mangé. Ce premier repas m’a surpris, mais je me suis vite habituée aux dîners tardifs composés de plusieurs plats et j’ai vraiment appris à les apprécier.
Comparaison des pratiques alimentaires françaises et américaines
Les Français ont des habitudes et des traditions alimentaires très différentes de celles des Américains. En France, les repas sont le plus souvent partagés en famille. Cela est vrai même lorsque les journées des membres de la famille sont chargées. Au contraire, aux États-Unis, chaque membre de la famille mange généralement à des heures qui lui conviennent individuellement au lieu d’attendre que toute la famille se réunisse à un moment précis. En gardant en tête la tradition française de manger en famille, on comprend pourquoi les hôtes d’Elizabeth ont voulu l’accueillir chez eux en l’invitant à manger tous ensemble même à une heure tardive, une autre tradition qui est courante en France. En effet, l’heure à laquelle les Français prennent leurs repas, notamment le dîner, est très différente de celle à laquelle les Américains sont habitués. Tandis que les familles américaines dînent souvent vers 18 heures, les familles françaises se mettent à table beaucoup plus tard, souvent vers 20 heures ou même 21 heures. Cependant, même si les repas commencent plus tard en France, cela ne les empêche pas de durer des heures. Aux États-Unis, la participation d’une personne à un repas prend fin dès qu’elle a fini de manger et les repas ne sont donc généralement pas très longs. En France, les dîners peuvent prendre des heures car les Français discutent de tous types de sujets, de la nourriture qu’ils mangent à la politique. Le fait que les repas en France soient habituellement composés de plusieurs plats contribue aussi à l’allongement de leur durée. En France, il y a souvent un apéritif avant que le dîner commence, qui se compose typiquement d’une boisson et de petites portions de nourriture, comme des arachides, des amuse-bouches et des tartinades. Pendant le repas, il y a souvent une entrée, semblable à un “appetizer” en anglais, et puis il y a le plat principal. Le dessert arrive après le plat principal, souvent précédé d’un assortiment de fromages et de pain. En revanche, aux États-Unis, toute la nourriture est habituellement servie en une fois, sauf si c’est une occasion spéciale – dans ce cas, il peut y avoir un apéritif avant le repas, qui comprend souvent du fromage. Le nombre important de plats lors d’un repas en France et le fait que les repas durent souvent des heures expliquent aussi pourquoi la plupart des Français ne grignotent pas durant la journée.
La valeur de la nourriture
En France, les repas sont considérés comme un moment important de la journée au cours duquel les familles se réunissent pour manger ensemble, et les Français accordent beaucoup de valeur et d’importance à ce moment de partage. Aux États-Unis, l’attitude à l’égard de l’alimentation est généralement très différente. Les Américains sont plus à l’aise avec le fait de manger seul ou de manger en faisant autre chose afin de gagner du temps. Par exemple, les élèves apportent souvent du travail au moment du déjeuner ou au dîner, ou dînent même dans leur chambre en travaillant afin d’utiliser leur temps efficacement. Cette attitude désinvolte à l’égard de la nourriture est très différente de l’attitude française, où l’on prend souvent plus de temps pour préparer les repas et où l’on passe aussi plus de temps autour de la table. Même en semaine, du temps est généralement réservé pour la préparation des repas. Cette différence pourrait s’expliquer par la relation plus personnelle et émotionnelle que les Français entretiennent avec la nourriture, qui est élément central de la culture française. C’est par exemple ce que l’on retrouve dans l’idée de terroir. Le mot « terroir » fait référence à la relation entre l’endroit où un aliment est cultivé et son goût. De fait, la notion de terroir est si importante en France que des mesures spécifiques existent pour accorder une protection et une reconnaissance particulières à ces zones et aux produits qui y sont cultivés. De plus, lors d’un repas en France, les gens discutent souvent de ce qu’ils sont en train de manger. Les Français passent ainsi plus de temps à table afin d’apprécier le repas comme un moment de partage. En France, un repas est donc considéré comme une véritable expérience sociale, à l’inverse des États-Unis, où les repas sont des moments plus flexibles de la journée, qui peuvent être raccourcis si nécessaire.
La relation à la nourriture et au gaspillage en France
Il ressort clairement des habitudes des Français qu’un repas est perçu comme plus qu’un simple acte de consommation. C’est un moment pour se régaler, un moment de plaisir, un moment de conversation, c’est un élément précieux et important de la vie. Les repas ne sont pas des arrière-pensées, ils sont planifiés et valorisés. Si ces observations peuvent surprendre un lecteur français, c’est parce que nous prêtons attention à des phénomènes considérés comme banaux en France. L’attachement à la nourriture est au cœur de la culture française mais cela n’est pas évident pour ceux qui n’ont pas ce genre de relation à la nourriture. Quelles sont les implications de tout cela ? Une approche axée sur le plaisir procuré par les ingrédients, l’alimentation, la préparation, etc. influence la façon dont nous traitons la nourriture au-delà du simple fait de la consommer. Jeter ce que nous avons préparé ou n’utiliser que les deux tiers des ingrédients prévus pour le repas devient quelque chose de beaucoup plus important si ce repas a été préparé du début à la fin avec nos propres mains, dans notre propre cuisine ou si le goût de la tomate signifie vraiment quelque chose pour nous. Finir son assiette et utiliser les ingrédients dans leur intégralité ou avant qu’ils ne se périment devient ainsi une évidence. Les Français se soucient de leur nourriture et la gaspiller n’est pas quelque chose qui est pris à la légère. Au contraire, aux États-Unis, l’idée même d’une relation à l’alimentation peut sembler presque amusante. La consommation est au cœur de l’acte de manger et il est plus question d’efficacité que d’autre chose. Les ingrédients doivent être faciles à obtenir, la préparation doit être simple, et les repas doivent avoir lieu rapidement de manière à ce que les gens puissent revenir aux activités qu’ils considèrent plus importantes. Les aliments et ingrédients surgelés ou prêts à l’emploi remplissent les rayons des supermarchés et on ne passe du temps à préparer un repas que pour les occasions spéciales. Dans cette optique, il est beaucoup plus courant de ne pas finir son assiette aux États-Unis. En effet, si l’on ne se soucie de la préparation des repas que dans l’optique de satisfaire un besoin vital, il est probable que l’on se soucie peu de la façon dont sont traités les aliments aux différentes étapes de leur préparation et consommation. Le gaspillage alimentaire devient alors facile. Sur le plan culturel, le gaspillage alimentaire est donc peu stigmatisé aux États-Unis, en raison de l’absence d’une relation significative des Américains à l’alimentation. Nous comprenons ainsi comment l’attachement français à la nourriture contribue non seulement positivement à l’idée de joie de vivre mais renforce également le lien des Français avec ce qu’ils mangent, de sorte que le gaspillage alimentaire soit réduit.
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